Comment réussir sa première exécution sommaire

Ça y est, c’est décidé. Vous allez vous faire exécuter à l’aube. Vous êtes nerveux, vous ne savez pas trop comment vous y p(r)endre. Tout d’abord, sachez que c’est normal d’avoir des doutes et des craintes, surtout quand c’est la toute première fois. Cet article va vous aider à aborder ce moment exceptionnel dans votre vie avec sérénité.

Une exécution, c’est comme l’achat d’une résidence principale. La plupart d’entre nous ne vivent ça qu’une fois dans leur vie. Et du coup, le manque d’expérience peut jouer contre nous, surtout face à des professionnels chevronnés. Contrairement à l’achat d’une maison ou d’un appartement qui se fait souvent en plusieurs étapes et avec un délai de rétractation, une exécution, surtout si elle est sommaire, se fait en temps court, sans temps de réflexion ni droit de reprise. C’est un moment bref qui peut se rater facilement. Et après, on regrette. Il est d’autant plus important de bien se renseigner sur la meilleure manière de vivre ce qui devrait être l’aboutissement d’une vie. Ne commettez pas l’erreur de croire qu’en tant qu’exécuté il suffirait de se laisser faire ! Ce n’est pas parce que vous ne l’avez pas choisi qu’il faut subir ce moment fort, dont vous pouvez, bien au contraire, être acteur à part entière. La bonne nouvelle : il ne faut pas grand-chose pour rendre ce moment mémorable.


César, Jules : « Toi aussi, mon fils ! » La phrase en elle-même n’est pas extraordinaire, mais monsieur César a su prendre en compte le contexte pour lui donner tout son poids. Tout y est, c’est assez bien pensé, surtout après avoir reçu 23 coups de couteau. 4/5

De l’importance de bien choisir ses dernières paroles

Tout d’abord : Ne faites pas dans l’humour. Vouloir faire rire face à un peloton d’exécution, c’est se tirer une balle dans le pied.
N’essayez pas non plus de faire de longs discours, vous risquerez de vous faire couper avant de venir à l’essentiel. Vous pourriez laisser une impression d’un dernier discours sans queue ni tête (façon de parler). Soyez bref, concis, tranchant. Une phrase bien pensée vaut mieux qu’un discours de trois pages. Vous pourriez vous inspirer de personnages connus, comme Jésus par exemple, un des exécutés les plus célèbres de ces derniers millénaires. Il paraît qu’il a prononcé pas moins que 7 dernières phrases. À mon avis c’est trop, mais je peux comprendre que le temps peut paraître long quand on reste cloué sur place de longues heures. La tentation de trouver la phrase qui tue doit être énorme. Ceci explique peut-être pourquoi Jésus nous a laissé des perles comme « Femme, voici ton fils » et « J’ai soif ».

Peut-être que Jésus n’était pas si content que ça de ses mots de la fin, et que ça a joué dans sa décision de se faire ressusciter ? Un peu comme un groupe de rock qui, non content de sa tournée d’adieu, reviendrait pour un dernier comeback ?

Partez du principe que vous n’aurez pas autant de temps. Les techniques d’exécution ont bien évolué depuis l’an 33. Résistez à l’envie de faire long et alambiqué, ne perdez pas votre temps précieux à vouloir rendre hommage au monde entier. Tout le monde s’en fout de votre vieille tante qui vous à inspiré votre vie de combat pour la justice et l’égalité. Et puis : à n’importe quel moment un bourreau impatient risque de couper court à votre envolée lyrique. Avec ces gens-là, on n’est jamais à l’abri d’un coup bas. Ne nous voilons pas la face, c’est un métier de casse-cous qui attire des gens plutôt bourrus, brut de décoffrage. Ne comptez pas sur leur sens de l’écoute et leur sensibilité littéraire pour vous laisser finir votre poème en alexandrins.
Si jamais vous vous faites couper net en plein milieu de phrase, ceux qui restent vont devoir deviner ce qui aurait du venir après. Au-delà du fait que vous laisserez trop de place à l’interprétation de vos dernières paroles ce n’est pas un bon exemple à donner d’un point de vue stylistique. Pensez aux générations futures ! C’est votre dernière chance de transmettre. Si vos enfants se faisaient exécuter demain, ils seraient bien contents d’avoir sous la main une dernière allocution prononcée jusqu’au bout.

Ne commettez pas l’erreur de penser qu’une dernière parole ratée, ce n’est pas la mort. Ben si ! Pas besoin de croire en la réincarnation ou la vie après la mort pour savoir que de trouver la bonne formule finale, c’est une question de vie ou de remords. C’est ce qui va rester de vous, donc préparez-vous y dès maintenant ! Ne faites pas le mort avant l’heure, servez-vous du peu de temps qui vous reste, c’est le moment ou jamais de marquer le coup. Pensez à la postérité ! (C’est à peu près tout ce qui vous reste, face à l’échafaud.)

Louis XVI prononçant ses dernières paroles sur l'échafaud
XVI, Louis : « Peuple, je meurs innocent ! » Court et efficace. Aucune ambiguïté dans la phrase, l’audience est bien définie, le sens est clair. 5/5

A l’opposé du discours qui s’éternise, vouloir faire trop court serait aussi une erreur. A force de se restreindre à un ou deux mots vous risquez de mourir incompris. Pensez à ce grand ratage de Mme Marchal en 1991 : « Omar m’a tuer. » Une phrase apparemment limpide, mais vu le contexte, sujet à interprétation. La faute qui nous importe n’est pas celle que vous croyez. La faute d’orthographe est un détail qui, en ce qui nous concerne, n’a aucune importance. Pour faire une phrase qui marque, Mme Marchal aurait dû compléter sa phrase par au moins un élément d’information supplémentaire. Pourquoi Omar aurait tué ? Comment Omar aurait il tué ? A quelle heure ? Pensez au contexte ! Qui est votre public ? A qui est-ce que s’adresse votre dernière phrase ? Est-ce que vous êtes sûr qu’elle ne peut pas être sujet à mauvaise interprétation ? Si Mme Marchal avait eu la présence d’esprit d’ajouter seulement un élément de plus à sa phrase sanglante, elle aurait pu s’éviter à elle et à nous de nombreux doutes et incompréhensions. Voilà pourquoi il ne faut jamais se précipiter, même face à la mort. N’y foncez pas tête baissée.
Slow is smooth, and smooth is fast. * (*Littéralement: “Lent est lisse, et lisse est rapide.”)

De Mahy, Thomas : Tout le monde était pendu à ses lèvres, quand Thomas de Mahy, Marquis de Favras, la corde au cou, a dit au greffier : « Vous avez fait, Monsieur, trois fautes d’orthographe. » Bof, aurait pu mieux faire, ça le fait passer pour un pédant plus qu’autre chose.  1/5

Comment construire une dernière parole qui marque ?

Restreignez-vous à une phrase simple, correctement construite, avec sujet, objet et un verbe, simple de préférence. Attention, comme on a vu plus haut, même en faisant simple on peut faire des bourdes.

Bon, c’est fait, vous avez trouvé la phrase qui va tout déchirer, vous êtes sûr de votre coup, votre audience va être sciée devant tant d’aplomb et éloquence. Maintenant, n’oubliez pas la voix. La présentation, c’est au moins 80% de la réussite. Après avoir pris la peine de construire une dernière phrase parfaite, ce serait dommage que vous ne soyez pas entendu. Pensez donc à articuler et à lever la voix. Si vous murmurez timidement dans votre barbe, vous risquez de mourir l’air idiot.

Astuce : si vous avez le temps, échauffez-vous la voix en faisant des vocalises avant. Un peu de miel et du lait chaud feront des merveilles pour vous aider à faire porter votre voix.

Vous voilà fin prête pour mourir de votre belle mort. C’est à vous de jouer maintenant ! Allez, soufflez un bon coup, ne vous faites pas avoir par le trac, vous allez voir, ça va être mortel ! Je crois en vous. Comme mourir, c’est partir un peu, je vous souhaite bonne route et surtout : bonne exécution !

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