La comédie Le bonheur des uns part à l’instant dans les festivals de court-métrage.
Ecrit et realisé par mes soins, il s’appuie sur de nombreux talents.
Au jeu: Jean-Michel Fournereau, Valérie Crouzet, Bruno Paviot, Celine Milliat, Hélène Jupin, la participation amicale de Lola Naymark, Guillaume Barbot, les voix de Maxime Fassiotti, Corentin Kerdraon, Jonathan Perrein, Gwenola de Luze et Elsa Landard.
À la technique: Image de Juan Siquot et Jeronimo Acero, Son de Renaud Michel et Xavier Rémy, Électricien François Tillot, Machiniste Benoit Féréol, Assistante réalisation Vanessa Payri, Scripte Orane Ruellan, Régie Florian Eyerhabide, Renfort régie Arnaud Winisdoerffer, Costumes Lola Fournier et Ariane Bourgeois, Décor et accessoires Philippe Jasko, Maquillage et coiffures Quinty Axelle, Montage Son Xavier Rémy, Mixage Son Edouard Morin, Étalonnage Reda Berbar.
Le Teaser
Je parle du film au festival Off Courts à Trouville:
En 1933, l’auteur allemand Franz Werfel a publié un roman étonnant sur le génocide arménien: Les Quarante Jours du Musa Dagh. Dans une version romancée d’un événement réel il raconte la résistance de plusieurs villages arméniens à la déportation. Deux chapitres de ce roman traitent des essais désespérés du pasteur allemand Johannes Lepsius de sauver des Armeniens par la voie politique.
Hovnatan Avedikian du Théâtre de Nice, avec l’aide de l’historien Bruno Precioso, a fait de ces deux chapitres une pièce de théâtre. C’est ainsi que je me retrouve, fin mars 2015, à incarner sur scène un pasteur protestant allemand qui, tel Don Quichote, se bat contre les moulins à vents de la bureaucratie et de la guerre. Une pièce beaucoup plus d’actualité qu’elle ne peut paraitre au premier abord.
« Les costumes situent l’époque. Le missionnaire, remarquablement campé par Jeremias Nussbaum, est d’un naturalisme extrême qui s’oppose au cynisme et à la morgue de ses interlocuteurs qui paraissent ainsi, dans un jeu tragi-comique, hors de ce cercle de l’ombre où est enfermé Lepsius. »
Le tourniquet commun, trouvé le plus souvent en accès des stations de transport urbain souterrain, dit « métro » (de l’expression « métreaubouleaudodeau » en français ancien) n’a toujours pas révélé le secret de sa sexualité. Lors des recherches récentes et après des mois d’observation dans son milieu naturel, les scientifiques de l’institut Charles Darwin n’ont pas pu noter une préférence du tourniquet pour un groupe spécifique de passagers, qu’il soit défini par l’age, le sexe ou le gout vestimentaire des personnes observés.
La questions demeure importante, car le tourniquet nous touche. Beaucoup. 4,1 millions de fois par jour à Paris seulement. Quand on y pense… Ça donne envie de s’acheter un scooteur. Mais commençons par le début du commencement.
Qu’est ce qu’un tourniquet?
En apparence, le tourniquet ne semble être qu’un objet. Inanimé. Et par sa nature, il pourrait bien sûr être détourné par des esprits malsains comme objet sexuel, mais n’ayant aucune volonté, aucun espoir de pouvoir se reproduire, il n’aurait pas de sexualité. (Un peu comme mon oncle Bernard.) Mais en regardant de plus près on se rend compte que le tourniquet n’est pas un objet inanimé. Tout d’abord: Il tourne. Chaque tour du tourniquet peut donc être considéré comme une sorte de mini-tournante. Et par le fait qu’il y ait des millions de colonies de bactéries qui l’habitent, un tourniquet n’est pas un objet sans vie. Le tourniquet est vivant, ce ne serait que par la vie qui l’habite. Mais prétendons un instant que le tourniquet ne serait qu’un simple objet. Animé, certes, mais un objet. Il resterait quand même un objet créé par l’homme, qui est un mammifère, donc un être sexué, comme il l’a d’ailleurs maintes fois prouvé par le passé.
Et cet être sexué qui est l’homme a choisi, pour empêcher l’accès direct au lieu du plaisir qui est le métro, en lieu de ceinture de chasteté en quelque sorte, un trident à trois tiges. Cet homme aurait pu trouver d’autres méthodes de contrôle d’accès. D’ailleurs, des pays ou la vie quotidienne est moins sexualisé qu’en France l’ont fait, nos voisins allemands par exemple, dans leur manque de sensualité et de pudeur sont allés jusqu’à donner libre accès à tous les voyageurs de leur « U-Bahn », le métro allemand.
Dans les grandes villes allemandes, aucun barrage physique n’empêche les voyageurs d’entrer et sortir à répétition. De là à dire que les allemand(e)s sont faciles, il n’y a qu’un pas que l’auteur ne franchira pas. À Paris on a préféré imposer à chaque voyageur trois énormes barres phalliques, un trident à faire pâlir tous les vendeurs de godemichets de la place Pigalle. Et tout ça pourquoi? Pour vous obliger à soit « faire glisser le ticket dans la fonte puis toucher la barre » ou soit: « sauter ». Et comme vous l’avez probablement remarqué, ici le langage est révélateur.
La symbolique est évidente. Vous devez caresser, effleurer de votre corps au moins un membre de la sainte trinité du tourniquet avant de recevoir la pleine affluence des autres passagers, pratiquer le toucher léger du métal bandé avant l’odeur et le contact total de la rame bondée. D’ailleurs, à qui ce n’est pas arrivé de toucher la tige des portails de la station La Bourse (Ligne 3), Saint Supplice (Ligne 4), Quai de la Rapée (Ligne 5), Filles du Calvaire (Ligne 8), Rue de La Pompe (Ligne 9) ou encore Rue des Boulets (Ligne 9 aussi) et de se dire: « Non, pas aujourd’hui. J’ai pas envie. J’ai un peu mal à la tête, je le sens pas, j’y vais à pied ou si jamais, je m’en vais enfourcher un Vélib. » À l’opposé, à Porte Dorée (Ligne 8), Liberté, Duroc (Ligne 10 et 13) ou Plaisance (Ligne 13) on entre dans le métro avec douceur et en s’attendant à un voyage excitant.
Le passage à l’acte et ceux qui l’évitent
Pour essayer de mieux cerner ce moment initiateur crucial de chaque trajet de métro, aller au fond, au bout du tunnel en quelque sorte, prenons un instant pour considérer le cas atypiques: Les gens qui sautent le tourniquet et ceux qui veulent partager ce rite de passage en passant collé contre le voyager devant eux.
Tout d’abord les sauteurs: Deux hypothèses opposées sont envisageables. Le sauteur pourrait tout simplement avoir envie de « sauter » des étapes, accélérer l’entrée en la matière sans passer par les conventions établies. Vous remarquerez que les sauteurs sont presque exclusivement des hommes jeunes, qui ont d’ailleurs la réputation d’être moins enclins aux préliminaires que le reste de la population. Donc quoi de plus logique qu’ils « sautent » aussi l’entrée du métro?
L’autre hypothèse, qui s’applique probablement surtout aux hommes hétérosexuels et les homosexuels refoulés, ce serait que la peur du contact physique, la peur de l’homme devant un sexe masculin qui n’est pas le sien (soit-il en métal et purement symbolique), l’oblige à s’en éloigner, à le dépasser, pour soit ne pas passer pour quelqu’un qui « aimerait ça » et aurait des affinités pas approuvés par le Général de Gaulle, ou, soit, se trouver en concurrence direct avec un sexe plus imposant que le sien. Le fait de sauter ne serait donc pas un acte positif, mais un acte de négation suite à un refoulement, voire une inhibition.
Passons maintenant aux frotteurs (à ne pas confondre avec les « frotteurs des rames » qui sont des pervers de base classiques). Les frotteurs-fraudeurs du tourniquet sont des êtres qui sous couvert de fraude ou de vol de portemonnaie aiment toucher les gens par derrière qui eux, sont en train de toucher des barres par devant. Ici l’action en lui-même est déjà assez explicite pour ne plus nécessiter de plus amples explications. On se trouve dans un ménage à trois forcé d’une durée de quelques secondes. L’auteur de cet article (qui est de sexe masculin) n’a eu personnellement affaire qu’à des ménages entre hommes, qui, car non consentis, avaient tendance à être plutôt non satisfaisantes et ce sont terminés des fois par des vols de portefeuille sans même un simple échange de numéro de téléphone. Que voulez-vous ma ptite dame, la politesse et le savoir-vivre se perdent.
Il est temps de conclure
Et si le tourniquet n’était rien d’autre qu’un petit travailleur du sexe? On pourrait envisager la hypothèse que le tourniquet, arrivant en amont de l’acte véritable (l’entrée dans le tunnel), et n’étant qu’une sorte d’entrée dans la matière d’un acte plus intime, n’aurait en effet pas de sexualité propre mais s’adapterait à tout et à chacun en fonction de ses envies et des ses besoins. Le guichet servant d’aguicheur, le tourniquet servirait d’échauffement, de passeur dans la mécanique bien rodée d’un acte qui le dépasse.
Avec le plaisir malsain de savoir que vous n’allez plus jamais pouvoir passer un simple tourniquet sans penser à ce texte, je vous laisse en vous disant: Bon métro! Et n’oubliez pas: 4,1 millions de caresses par jour.