Court-métrage – Jacqueline et la révolution

Le teaser du court-métrage « Jacqueline et la révolution »

Voilà un projet rapide. Le plus court de mes films récents, le plus rapide aussi. Un projet tourné, monté et distribué en moins de deux mois. Comparé aux délais habituels, on a été très rapides.

J’ai écrit « Jacqueline » entre mars et mai 2018. À l’époque ça s’appelait encore « Sacha, Brouno et la révolution », puisque c’était une sorte de suite libre de mes saynetes autour de Sacha et Brouno, un duo qu’on reprend avec Bruno Paviot en étapes irrégulières depuis quelques années. Le temps a rattrapé ce projet et puis en novembre j’ai décidé que si je le tournais pas maintenant, ça ne se ferait pas. Ainsi est né la révolution de Jacqueline. Encore un tournage avec quelques fidèles, de nouveaux arrivants, des découvertes.

La question des nains de Portopetaka

Portopetaka est un lieu qui n’existe pas. Ce qui rend la question des nains y vivant cruciale. Ça faisait déjà un moment que je me faisais des soucis pour eux. Ils ne devaient pas être très bien là où ils sont. Qui a envie de vivre quelque part où on n’est pas ? Qui peut se sentir bien dans un lieu qui est néant ? Pas moi en tous les cas. Moi j’habite à Paris. Paris existe, même si c’est une ville vide de sens et de raison. Paris est une ville remplie de vide. Une ville qui a besoin de créer du vide et pour ce faire elle doit vider toutes celles et tous ceux qui osent y venir plein d’idées. Paris est une ville très vidant, c’est évidant. Fermons cette Paristhese et acceptons que Paris existe.

Portopetaka cependant n’a même pas la chance des villes qui n’existent que par la vidange. Elle n’a même pas la chance d’être une de ces villes qui ne font que feindre leur existence en créant des gens qui en viennent. Qui par exemple a déjà été à Vélizy ? Vélizy existe seulement parce qu’untel y est né. Une telle a une cousine qui a traversé Véliy quand elle avait onze ans, un sportif de seconde zone y a inauguré un gymnase. À part ça, Vélizy n’existe pas. Mais c’est déjà ça de pris.

Portopetaka n’a même pas cette chance. Personne ne vient de Portopetaka, personne y va, il n’y a aucune infrastructure pour y aller et vous pouvez chercher pendant longtemps avant de trouver un vol aller-retour pour l’aéroport de Portopetaka. Ce qui crée un énorme problème d’accessibilité. Vous me demanderez en quoi une ville non existante a besoin de tourisme ? La question semble justifiée. Moi je ne peux vous répondre qu’en vous disant que c’est à la fois superficiel et hautain de penser ainsi. En quoi le fait de ne pas exister enlève le droit de vouloir se développer ?  Portopetaka, comme n’importe quelle autre métropole, à le droit de vouloir attirer du monde. Le monde a bien sûr le droit de l’ignorer comme il le fait d’ailleurs si bien depuis le jour de sa non-création. Le monde a le droit de lui préférer des lieux plus accessibles comme la ville bien réelle de Stockholm, les pays bien réels qui sont le Maroc ou la Moldavie.

Portopetaka a bien des avantages aussi : la ville est immense et petite à la fois, la cuisine est à la fois copieuse et légère, l’architecture moderne et millénaire et ses nains sont énormes et minuscules et se portent très bien. Si les nains se portent littéralement ou si c’était une manière de décrire leur bien-être n’est pas défini et c’est ça qui est formidable à Portopetaka. On peut être à la fois politiquement correct et outrageux à Portopetaka. On peut à la fois être dehors ou dedans à Portopetaka. On ne sait jamais où on en est. Rien n’est défini et tout est possible. À part le lancer de nain. Cette pratique douteuse (qui a été rendu tristement célèbre par le film Le Loup de Wall Street et qui va à l’encontre de toute valeur humaniste) consiste en un corps de nain qui va à l’encontre du sol grâce à l’ennui d’une personne sans scrupule qui avait envie de lancer quelque chose de consistant une fois dans sa vie. Cette pratique est aussi interdite à Portopetaka. Ce qui ne devrait étonner personne. Si ça avait été permis, je n’y serais pas allé. Mais pas comme je n’y suis pas allé maintenant. Je n’y serais pas allé pour boycotter Portopetaka. Maintenant je n’y vais pas puisque Portopetaka n’existe pas. Ça n’a rien à voir. J’espère avoir été clair.

Le jazz et mon grand-père

Mon grand père et le jazz - Une histoire tremblante

Ce que mon grand-père aimait plus que tout, c’était le jazz. Je le vois encore, debout au milieu de son salon, en chaussettes sur le grand vieux tapis persan, un casque sur les oreilles pour ne pas déranger ma grand-mère. Il ne suivait que la batterie. Jamais les soli. Jamais les cuivres. Il ne bougeait que les épaules, les mains, un tout petit peu les coudes. On n’avait qu’à le regarder et on savait quel morceau il était en train d’écouter pour la énième fois.

Il les adorait tous. Parker, Ellington, Fitzgerald, Armstrong, Holiday, Goodman… Mais il y en avait un, pourtant pas si connu, qui, selon mon grand-père, était au dessus de tous. Il le disait toujours, de plus en plus ses dernières années:

-Rien et personne ne me fera bouger comme Parkinson.

Et il avait raison. De plus en plus, et même sans son casque, mon grand-père, il avait le jazz en lui. Boum-ts, badoum-ts, badoum-ts…