Savoir s’occuper quand on est un petit pays que personne ne veut envahir

Savoir s'occuper quand on est un petit pays que personne ne veut envahir

En tant que petit pays bien joli, avec des habitants bien sympas, mais malheureusement dépourvu de ressources fossiles ou d’une situation géostratégique d’importance, on peut avoir l’impression d’être mis à l’écart des grands conflits mondiaux. Surtout à une époque où ça semble brûler un peu partout.

C’est normal de se sentir délaissé et un peu nul, vu le manque d’attention des grandes puissances. Qui ne rêve pas d’une grande armée avec des grosses roquettes qui vous ferait de l’œil ? Sachez que vous n’avez pas besoin d’avancées d’une puissance agressive pour vous sentir convoité. Il y a plein d’autres façons de se sentir désiré en tant que petit pays injustement oublié par les confrontations contemporaines.

Savoir s'occuper quand on est un petit pays que personne ne veut envahir
Pour une bonne guerre, il faut d’abord trouver des bons copains et copines adversaires.

Voici quelques idées pour vous sortir de votre isolement

Vous pourriez vous lancer dans le conflit intérieur. Trouvez un coin du pays et faites en sorte qu’il soit convoité par différentes communautés. Vous voici bien parti pour une belle guerre civile qui pourra vous occuper pendant des décennies ! Vous pourriez aussi trouver une minorité et la rendre responsable de tous les maux du pays. C’est un grand classique qui a fait ses preuves.
Et pourquoi pas accuser cette minorité du manque d’intérêt militaire pour votre beau pays ? Est-ce que ce ne serait pas la faute d’XYZ qu’aucune puissance ne veut vous mettre sous sa coupe ?

Comment se rendre plus attractif aux yeux des grandes armées

Soyez créatifs, n’hésitez pas à penser en dehors de vos sentiers battus!
Quand personne ne veut venir chez vous, pourquoi ne pas faire un tour chez le voisin le plus proche ? Il n’est pas impossible que votre voisin s’ennuie aussi et qu’il serait très heureux de vous rendre la pareille avec une petite invasion rapide. Et peut-être même que ce pays a des alliés qui pourraient l’aider à vous encercler de tous les côtés ? Et vous voici rapidement pris en tenaille, avec un peu de chance même embourbé dans un conflit majeur !

Il faut peu pour dépasser l’anonymat sur l’échiquier des grands enjeux mondiaux. N’oubliez pas qu’il n’a pas fallu plus que la mort d’un petit archiduc pour déclencher le premier grand conflit mondial !

Vous pourriez aussi tout simplement inventer des ressources intéressantes ou des armes de destruction massive et en informer le monde entier. Le plus important étant de faire marcher l’imagination de vos adversaires potentiels. Soyez mystérieux et insaisissable. Faites croire à des énormes sous-sols remplis de gros tonneaux dangereux, d’engins énormes bourrés d’explosifs. Les médias se chargeront du reste. Une fois le conflit lancé, plus personne ne se préoccupera de la véracité de vos déclarations. Le conflit en lui-même sera preuve de l’intérêt et de la dangerosité de votre pays. Et vous vous trouverez enfin mitraillé de partout, voire anéanti ! Votre pays aura enfin un passage « conflits majeurs » dans sa page Wikipédia !

Une rue de ville désertes, tous les immeubles sont détruits, fumée et nuages se mélangent pour former une masse grise
Comme on a vu, détruire un pays c’est facile. Petit bonus: Ça permet de faire des photos très dramatiques

Vous voyez, il y a plein de belles façons de s’occuper quand le monde semble avoir oublié qu’on existe. Il suffit d’oser, d’être généreux et inventif !

Comment réussir sa première exécution sommaire

Mise à mort d'un monsieur au chapeau pointu

Ça y est, c’est décidé. Vous allez vous faire exécuter à l’aube. Vous êtes nerveux, vous ne savez pas trop comment vous y p(r)endre. Tout d’abord, sachez que c’est normal d’avoir des doutes et des craintes, surtout quand c’est la toute première fois. Cet article va vous aider à aborder ce moment exceptionnel dans votre vie avec sérénité.

Une exécution, c’est comme l’achat d’une résidence principale. La plupart d’entre nous ne vivent ça qu’une fois dans leur vie. Et du coup, le manque d’expérience peut jouer contre nous, surtout face à des professionnels chevronnés. Contrairement à l’achat d’une maison ou d’un appartement qui se fait souvent en plusieurs étapes et avec un délai de rétractation, une exécution, surtout si elle est sommaire, se fait en temps court, sans temps de réflexion ni droit de reprise. C’est un moment bref qui peut se rater facilement. Et après, on regrette. Il est d’autant plus important de bien se renseigner sur la meilleure manière de vivre ce qui devrait être l’aboutissement d’une vie. Ne commettez pas l’erreur de croire qu’en tant qu’exécuté il suffirait de se laisser faire ! Ce n’est pas parce que vous ne l’avez pas choisi qu’il faut subir ce moment fort, dont vous pouvez, bien au contraire, être acteur à part entière. La bonne nouvelle : il ne faut pas grand-chose pour rendre ce moment mémorable.


César, Jules : « Toi aussi, mon fils ! » La phrase en elle-même n’est pas extraordinaire, mais monsieur César a su prendre en compte le contexte pour lui donner tout son poids. Tout y est, c’est assez bien pensé, surtout après avoir reçu 23 coups de couteau. 4/5

De l’importance de bien choisir ses dernières paroles

Tout d’abord : Ne faites pas dans l’humour. Vouloir faire rire face à un peloton d’exécution, c’est se tirer une balle dans le pied.
N’essayez pas non plus de faire de longs discours, vous risquerez de vous faire couper avant de venir à l’essentiel. Vous pourriez laisser une impression d’un dernier discours sans queue ni tête (façon de parler). Soyez bref, concis, tranchant. Une phrase bien pensée vaut mieux qu’un discours de trois pages. Vous pourriez vous inspirer de personnages connus, comme Jésus par exemple, un des exécutés les plus célèbres de ces derniers millénaires. Il paraît qu’il a prononcé pas moins que 7 dernières phrases. À mon avis c’est trop, mais je peux comprendre que le temps peut paraître long quand on reste cloué sur place de longues heures. La tentation de trouver la phrase qui tue doit être énorme. Ceci explique peut-être pourquoi Jésus nous a laissé des perles comme « Femme, voici ton fils » et « J’ai soif ».

Peut-être que Jésus n’était pas si content que ça de ses mots de la fin, et que ça a joué dans sa décision de se faire ressusciter ? Un peu comme un groupe de rock qui, non content de sa tournée d’adieu, reviendrait pour un dernier comeback ?

Partez du principe que vous n’aurez pas autant de temps. Les techniques d’exécution ont bien évolué depuis l’an 33. Résistez à l’envie de faire long et alambiqué, ne perdez pas votre temps précieux à vouloir rendre hommage au monde entier. Tout le monde s’en fout de votre vieille tante qui vous à inspiré votre vie de combat pour la justice et l’égalité. Et puis : à n’importe quel moment un bourreau impatient risque de couper court à votre envolée lyrique. Avec ces gens-là, on n’est jamais à l’abri d’un coup bas. Ne nous voilons pas la face, c’est un métier de casse-cous qui attire des gens plutôt bourrus, brut de décoffrage. Ne comptez pas sur leur sens de l’écoute et leur sensibilité littéraire pour vous laisser finir votre poème en alexandrins.
Si jamais vous vous faites couper net en plein milieu de phrase, ceux qui restent vont devoir deviner ce qui aurait du venir après. Au-delà du fait que vous laisserez trop de place à l’interprétation de vos dernières paroles ce n’est pas un bon exemple à donner d’un point de vue stylistique. Pensez aux générations futures ! C’est votre dernière chance de transmettre. Si vos enfants se faisaient exécuter demain, ils seraient bien contents d’avoir sous la main une dernière allocution prononcée jusqu’au bout.

Ne commettez pas l’erreur de penser qu’une dernière parole ratée, ce n’est pas la mort. Ben si ! Pas besoin de croire en la réincarnation ou la vie après la mort pour savoir que de trouver la bonne formule finale, c’est une question de vie ou de remords. C’est ce qui va rester de vous, donc préparez-vous y dès maintenant ! Ne faites pas le mort avant l’heure, servez-vous du peu de temps qui vous reste, c’est le moment ou jamais de marquer le coup. Pensez à la postérité ! (C’est à peu près tout ce qui vous reste, face à l’échafaud.)

Louis XVI prononçant ses dernières paroles sur l'échafaud
XVI, Louis : « Peuple, je meurs innocent ! » Court et efficace. Aucune ambiguïté dans la phrase, l’audience est bien définie, le sens est clair. 5/5

A l’opposé du discours qui s’éternise, vouloir faire trop court serait aussi une erreur. A force de se restreindre à un ou deux mots vous risquez de mourir incompris. Pensez à ce grand ratage de Mme Marchal en 1991 : « Omar m’a tuer. » Une phrase apparemment limpide, mais vu le contexte, sujet à interprétation. La faute qui nous importe n’est pas celle que vous croyez. La faute d’orthographe est un détail qui, en ce qui nous concerne, n’a aucune importance. Pour faire une phrase qui marque, Mme Marchal aurait dû compléter sa phrase par au moins un élément d’information supplémentaire. Pourquoi Omar aurait tué ? Comment Omar aurait il tué ? A quelle heure ? Pensez au contexte ! Qui est votre public ? A qui est-ce que s’adresse votre dernière phrase ? Est-ce que vous êtes sûr qu’elle ne peut pas être sujet à mauvaise interprétation ? Si Mme Marchal avait eu la présence d’esprit d’ajouter seulement un élément de plus à sa phrase sanglante, elle aurait pu s’éviter à elle et à nous de nombreux doutes et incompréhensions. Voilà pourquoi il ne faut jamais se précipiter, même face à la mort. N’y foncez pas tête baissée.
Slow is smooth, and smooth is fast. * (*Littéralement: “Lent est lisse, et lisse est rapide.”)

De Mahy, Thomas : Tout le monde était pendu à ses lèvres, quand Thomas de Mahy, Marquis de Favras, la corde au cou, a dit au greffier : « Vous avez fait, Monsieur, trois fautes d’orthographe. » Bof, aurait pu mieux faire, ça le fait passer pour un pédant plus qu’autre chose.  1/5

Comment construire une dernière parole qui marque ?

Restreignez-vous à une phrase simple, correctement construite, avec sujet, objet et un verbe, simple de préférence. Attention, comme on a vu plus haut, même en faisant simple on peut faire des bourdes.

Bon, c’est fait, vous avez trouvé la phrase qui va tout déchirer, vous êtes sûr de votre coup, votre audience va être sciée devant tant d’aplomb et éloquence. Maintenant, n’oubliez pas la voix. La présentation, c’est au moins 80% de la réussite. Après avoir pris la peine de construire une dernière phrase parfaite, ce serait dommage que vous ne soyez pas entendu. Pensez donc à articuler et à lever la voix. Si vous murmurez timidement dans votre barbe, vous risquez de mourir l’air idiot.

Astuce : si vous avez le temps, échauffez-vous la voix en faisant des vocalises avant. Un peu de miel et du lait chaud feront des merveilles pour vous aider à faire porter votre voix.

Vous voilà fin prête pour mourir de votre belle mort. C’est à vous de jouer maintenant ! Allez, soufflez un bon coup, ne vous faites pas avoir par le trac, vous allez voir, ça va être mortel ! Je crois en vous. Comme mourir, c’est partir un peu, je vous souhaite bonne route et surtout : bonne exécution !

Une pensée pour S. – Requiem pour une consonne – Signez ma pétition!

Panneau de signalisation manquant de consonnes

Trop de consonnes sont réduites au silence depuis bien trop longtemps! Il est temps d’agir. Signez ma pétition ici: https://chng.it/WmtqwDZ4QR

Comme doit se sentir délaissé
le deuxième S de « laisser »,
comme le second S de masse,
coincé au fond de la foule,
incapable de voir devant,
de se faire remarquer dedans,
souvent ignoré en dictée.
Ce S de second classe, qui, quoi qu’il fasse,
qu’il passe, se presse ou qu’il se laisse aller,
restera toujours cadenassé,
sera toujours comme le L caché d’aller,
tel l’ultime M de comme,
semblable au second N de consonne,
le dernier R du carrosse, le T en trop de la goutte,
le F effacé d’effondré.
Ce S lassé, déclassé, relégué au second rang, sombre, tombe.
À peine prononcé, déjà oublié.
Seul le H silencieux vit une vie plus hardie,
jamais en haut de l’affiche, toujours lu, jamais entendu,
hignoré par les horeilles horribles
de hordes d’hauditeurs han-halpha-hebêtes.